Le Talmud
mot hébreu «étude, enseignement»).
· Talmud
signifie en hébreu enseignement (et aussi répétition). Il désigne, dans la
tradition juive, le principal recueil des commentaires de la Loi de Moïse (la
Torah).
· Plus
encore que la Bible, le Talmud (livre de la Loi orale) préserva constamment
l'unité des Juifs dispersés. Il dépasse largement le cadre des lois et contient
des réflexions philosophiques, des observations scientifiques, des récits et
toutes sortes d'histoires de la vie populaire.
Des commentaires oraux
· Au
début de la constitution de la Bible, la tradition orale
fournissait des indications sur la manière d'interpréter les textes, et tout
spécialement les préceptes juridiques. De manière légendaire on fait ainsi
remonter à Moïse la tradition de la grande synagogue (assemblée de maîtres
chargée de décider en cas de conflit).
· Il
est certain que ces commentaires oraux avaient une longue tradition de
transmission, tout spécialement dans les milieux sacerdotaux. La meilleure
preuve en est la permanence, dans les transcriptions écrites (Mishna, Talmud),
de réglementations portant sur les sacrifices et les liturgies du Temple, bien
longtemps après la disparition de celui-ci.
· Un
autre élément d'appréciation est le refus de ces textes et de cette tradition
par certains groupes comme les sadducéens. On sait que la transcription de ce
commentaire oral de la Loi est l'œuvre de rabbins, héritiers des pharisiens,
seul groupe constitué ayant résisté aux chocs des deux guerres (70 et 135 apr.
J.-C.) et à la grande Diaspora.
· Le
texte écrit fondamental de la tradition juive est la Bible (Loi écrite). La Loi
s'y trouve consignée dans les cinq premiers Livres (Pentateuque ou Torah).
· Fondamentalement,
le juif n'y peut rien ajouter. Il ne peut que la commenter, l'expliquer, avec
le souci constant d'en respecter l'intégralité, de ne rien considérer comme
négligeable. Comment et pourquoi s'est constitué et accru ce corpus écrit?
· Très
certainement par le souci de fixer des traditions qui risqueraient de disparaître.
Y a-t-il à une telle entreprise et à sa continuation des raisons théologiques?
La tradition orale est-elle close, ou bien faut-il considérer le Talmud comme
un simple aide-mémoire?
· La
querelle des caraïtes (VIIIe-Xe
siècle) tourna autour de ces questions. Elle se termina, à leur détriment, par
la victoire du texte écrit (Talmud), qui est alors reconnu comme commentaire
autorisé de la Torah par toutes les communautés juives.
La composition
· Du
IIe siècle et jusqu'au VIe siècle se poursuivit la
rédaction collective du monumental Talmud. Le premier stade de la rédaction
date du IIe siècle après J.-C.: Rabbi Akiva,
auquel succéda Rabbi Méir, en fut l'instigateur. Le
patriarche Juda Ier en autorisa la publication en Palestine à la fin
du IIe siècle.
· C'est
ce recueil qui s'appelle la Mishna; il concerne l'application de
la Torah. Le sens de ce mot est «action de répéter afin de garder en mémoire»,
et c'était bien l'objectif de ses auteurs, en majorité pharisiens, car le
Talmud devait retenir la trace de la Loi orale.
· Rédigé
en un hébreu très pur, le texte embrasse tous les domaines de la vie, il
comporte six parties qui traitent respectivement des lois agricoles, des
bénédictions, des fêtes, de la famille, du Code pénal, du Temple et du Code du
pur et de l'impur.
· La
Mishna comporte un certain nombre de traits locaux issus de la
tradition sacerdotale palestinienne (le Temple) et d'autres qui ont une origine
plus large.
· De
plus, il comporte de nombreuses omissions (Barayta): traditions non
reprises ou circonstances non prévues. C'est ainsi que les riches traditions
ésotériques et les grandes «légendes» morales (Haggadah) y sont
très peu représentées.
· De
même, les lois agricoles s'appliquent parfois assez mal à des communautés
dispersées sous d'autres climats ou vivant en milieu urbain.
· Cependant,
le trait principal de ce texte est sa profonde dimension religieuse: il traite
du rapport de l'homme à Dieu (qui l'a créé à son image), un Dieu qui veut
l'homme libre, un homme qui veut, qui cherche en retour, la bénédiction divine.
· C'est
un texte où le contrat (Loi) est la marque du plus grand respect réciproque de
l'Alliance.
Talmud
de Jérusalem et Talmud de Babylone
· Les
académies de Palestine et de Babylone adoptèrent ce texte. Leur travail
consista dès lors à commenter la Mishna, à en
interpréter les contradictions, à les concilier avec les autres éléments de la
tradition orale afin de parvenir à une cohérence absolue.
· La
Gemara (achèvement) est ce commentaire
élaboré entre le IVe et le VIe siècle. Cette tâche
immense requit beaucoup d'ingéniosité dans l'enchaînement des questions et des
réponses.
· Le
Ve siècle fut celui de la reconnaissance du christianisme comme
religion d'État par l'Empire romain. Les persécutions contre le judaïsme
renaissent alors. Les communautés de Palestine émigrent hors de l'Empire, à
Babylone.
· Le
Talmud de Jérusalem et celui de Babylone diffèrent dans leur rédaction de la Gemara. Dans la hâte, l'académie de Tibériade s'efforce de
terminer son œuvre. Il en reste une impression d'inachevé, mais elle est
parvenue à traiter l'ensemble de la Mishna (Talmud
dit de Jérusalem).
· Le
Talmud de Babylone est un peu plus récent. Il a bénéficié du travail
accompli. Il sera plus long (il est constitué de 8 744 folios en grands
volumes), plus cohérent, mais ne constituera pas un commentaire intégral de la Mishna.
· Œuvre
de synthèse, la Gemara réunit une
multitude de débats épars et de traditions que l'on se refuse à voir
disparaître. Elle comporte donc aussi bien des textes de la Halakah (Loi) que de la Haggadah
(traditions exégétique, morale, philosophique, ésotérique, historique).
· Le
Talmud de Babylone connaîtra une diffusion universelle dans toutes
les communautés juives d'Afrique, d'Orient et d'Europe. C'est en se fondant sur
lui que l'on instruira les procès majeurs faits aux juifs, les soupçonnant de
sorcellerie et de magie (livres écrits en une autre écriture que l'écriture
latine, traditions et spéculations ésotériques)
· Il est certain que ce texte, né en pleine
persécution antijuive, comporte des aspects polémiques et un point de vue particulier sur Jésus quand il en fait mention.
· Par-delà
la méthode très particulière de développement (tout est dans la Bible, au
commentaire de n'en rien laisser échapper), s'ébauchent, à partir du Talmud,
des habitudes religieuses très marquées, notamment une tradition rationnelle de
discussion et de débats dont la culture juive sera profondément imprégnée.
· Par
ailleurs, le Talmud a renforcé l'emprise du culte de la Loi sur la vie
quotidienne. Le Temple ayant disparu, le fondement du judaïsme reste l'Écriture
et l'Alliance qui y est signifiée.
· Cette
permanence entraînera d'importants développements philosophiques et
théologiques, instaurant paradoxalement une tradition toujours en quête de
recherche.
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