Manuscrits de la mer morte
Marc
Bloc éminent historien et grand martyr de la résistance a écrit:
"L'histoire se déroule et se
raconte dans le sens où s'écoule le temps, mais s'explique en faisant le chemin
inverse."
Un jeune bédouin de la tribu des Ta'amiré
dont la chèvre s'était égarée dans les rochers brûlant de la Mer Morte,
découvrit par hasard une grotte, où après s'être inséré avec difficulté, il
trouva des jarres dans lesquelles dormaient, soigneusement emmaillotés de tissu
de lin, des rouleaux de cuir. Ce jeune garçon en emporta deux spécimens. Ce jeune homme ignorait à cet instant, qu'il
venait de mettre la main, sur la plus grande découverte archéologique du
XX°siècle.
Cela se passait en 1947.
Découverte on ne peut plus symbolique : ces documents furent enterrés dans des
jarres en l'an 70 de notre ère à la destruction du temple de Jérusalem et
réapparaissent à la surface, le jour de la déclaration de guerre des pays
arabes, ligués contre la naissance de l'Etat d'Israël en mai 1948 soit presque
2000 ans plus tard.
Cette découverte donna lieu, pendant plus de cinquante ans
aux plus grandes polémiques et querelles de savants de ces cent dernières
années, agrémentées de rebondissements dignes du plus pur style du roman noir!
La réalité dépassait la fiction !
Une autre version, moins poétique, celle de Mireille Bélis, chercheur à l'école biblique de Jérusalem, nous
apprend que ce n'est pas en cherchant un chevreau égaré, que l'on découvrit,
par hasard, les grottes de Qumran.
Il est important de noter, que de tout temps, dans cette
contrée, se pratiquait un énorme trafic de contrebande, et que notre bédouin
contrebandier cherchait à mettre son butin à l'abri…..la caverne d'Ali Baba en
somme…..qui aurait probablement déjà été visitée dans le passé!
Là, j'ouvre une importante parenthèse:
Le I° rouleau de la Mer Morte
(que l'on ne désignait pas encore sous cette appellation) fut trouvé au Caire
dans la Synagogue caraïte de Ben Ezra dont la Génisa,
sorte de grenier ou dépotoir, étaient mis à l'abri les manuscrits jugés
apocryphes ou détériorés, qui ne pouvait être détruits par le feu puisqu'il
contenaient le nom de dieu.
Son découvreur était Salomon Schechter, chargé d'enseignement du Talmud et de
littérature rabbinique à l'université de Cambridge qui fit cette étonnante
découverte au cours d'un voyage au Caire en 1897,soit
un demi-siècle avant la découverte des grottes de Qumram.
La découverte de Schechter établit pour la première fois que l'Ecclésiaste,
en hébreu Kohelet, le texte du Siracide
avait bien été rédigé en hébreu à l'origine et était une œuvre juive datant du
II°siècle avant notre ère :
Cette version en hébreu de la
Sagesse de Ben Sirat, livre que les catholiques
intègrent dans la Bible, les Protestants et les juifs, dans les apocryphes.
La deuxième surprenante
découverte de Schechter fut une copie d'un document :
l'écrit de Damas ou fragment Sadocide, titre donné
par les savants à ce document, document attribué à la secte de Qumran et qui donnait de précieuses informations sur cette
population. Le début et la fin de ce document étaient manquants.
Schechter parlait d'une étrange
fraternité juive datant de l'époque du Second Temple, inconnue, fortement
structurée, vouée à une ardente piété, pratiquant la communauté des biens et
croyant en la venue d'un Messie rédempteur.
Leurs différences doctrinales avec le judaïsme officiel,
supposait-il, les poussèrent à se séparer de la masse de la nation juive. L'original de "l'écrit de Damas" fut trouvé
cinquante ans plus tard dans la grotte n° 01 et ses importants fragments
permirent de compléter et d'authentifier le texte qui fut trouvé au Caire 50
ans auparavant.
La publication de ces documents revint au père Joseph Milick faisant partie du groupe de recherche de l'école
biblique de Jérusalem, qui après trente ans, n'était toujours pas parvenu à
s'en acquitter et qui dans ce laps de temps avait quitté les ordres avec quatre
rouleaux, les plus importants pour la compréhension du message ésotérique
contenu dans l'ouvrage éssénien. Malgré toutes les recherches on ne retrouva trace ni
des rouleaux ni du père Milick. Bien étrange !
Quels étaient les mystérieux habitants de Qumran?
Qui étaient les gens qui avaient participés à l'élaboration
de ces rouleaux et pourquoi ?
Qui étaient les hommes qui ont fondé une communauté dans ce
lieu, transcrits et déposés des textes sacrés pour disparaître ensuite de la
scène de l'histoire ?
En 125 avant notre ère, le roi Antipas
pris le pouvoir, aidé en cela par les occupants Séleucides, descendants grecs
d'Alexandre le Grand. Pouvoir royal qu'Antipas ne
pouvait assumer car n'étant pas descendant de la lignée du roi David, comme
l'exigeait la loi d'élection instituée par les grands prêtres d'Israël et Moïse
dans le désert du Sinaï lors de l'exode des hébreux fuyant l'Egypte.
Antipas nomma un grand prêtre du
Temple de Jérusalem pour assumer le pouvoir spirituel, grand prêtre qui par
tradition devait appartenir à la lignée des Zadokim,
descendants de Aaron. Zadoc, grand prêtre légitime, et ses adeptes se retirèrent
au désert, pour attendre la résurrection de leur Maître de Justice, à la fin
des temps.
Avant la mise au jour de leurs sites, les Esséniens avaient
suscité l'intérêt de quelques auteurs de l'Antiquité.
Philon d'Alexandrie leur a consacré une notice dans son
"Apologia pro Judaeis",
qui se trouve reprise dans la "Préparatio évangélica" d'Eusèbe de Césarée.
Flavius Joseph mentionne les Esséniens notamment dans la
Guerre des Juifs et dans les Antiquités judaïques. Pline
l'ancien les cite dans son histoire naturelle et Hippolite
de Rome dans la réfutation de toutes les hérésies.
Tous ses auteurs décrivent les Esséniens comme une communauté recherchant une grande pureté spirituelle et physique, à l'image du peuple hébreu au désert, symbole de ressourcement! Il est intéressant de constater que dans les Evangiles l'ont ne fasse pas allusion aux Esséniens, alors que les Pharisiens y sont souvent pris à partie !
Pour Pline l'ancien, les Esséniens
sont des ermites célibataires vivant "en la seule société des palmiers"
correspondrait géographiquement à celle de Qumran,
vestiges d'une importante implantation humaine, trouvés au bord de la Mer
Morte.
Flavius Joseph les considère comme une sorte d'ordre
monastique ou adeptes d'une religion à Mystères, probablement héritage du
séjour babylonien d'une partie du peuple hébreu déporté par le roi Nabuchodonosor.
Les postulants étaient soumis à une période d'essai de trois années,
l'équivalent d'un noviciat, avant d'être reçus définitivement dans la
Communauté.
Les Esséniens nous dit Flavius Joseph, sont versés dans l'étude des livres de la
Bible et dans l'enseignement des
Prophètes.
Ils connaissaient l'art de la divination et prédisaient
l'avenir grâce à l'étude des textes sacrés et à la pratique de la purification.
Leur âme immortelle est prisonnière de leur corps, enveloppe mortelle et
périssable. A leur mort "leur âme délivrée regagne avec joie les régions
supérieures".
Joseph insiste sur la
ressemblance de leurs préceptes avec ceux de l'école pythagoricienne. L'historien
insiste aussi sur leur stricte observance de la loi de Moïse. Philon fait un
parallèle entre les Esséniens de Qumran et la secte
des Thérapeutes vivant au bord du lac Maréotis à Alexandrie d'Egypte.
Ce qui signifierait que la secte des ésséniens
était disséminée au travers du pays que les Romains
lors de leur conquète avaient nommé la Palestine ou
pays des Phillistins. De l'occupation romaine date
cette appellation.
Les Esséniens sont issus de l'image stéréotypée qu'ont
laissé d'eux ces trois auteurs, image agrémentée du mysticisme et du romantisme
répandu par les écrivains du l9° et début du 20° siècle, affirmant que les
Esséniens étaient un groupe pacifiste adonné uniquement à la prière et à la
méditation.
On est surpris de découvrir parmi les manuscrits de Qumran le fameux rouleau de la Guerre, qui étonna les
exégètes chargés de les décrypter.
En 1952, découverte d'une deuxième grotte. Le chef de
l'expédition est le père Roland Devaux, directeur de l'école biblique de
Jérusalem, à l'époque sous autorité jordanienne. Cette grotte répertoriée
grotte n °4 contenait de très nombreux rouleaux plus ou moins en bon état,
ainsi qu'un étrange rouleau de cuivre scindé en deux parties par l'oxydation.
Après bien des vicissitudes et un voyage vers une université
anglaise, la technique perfectionnée du découpage permit de déchiffrer le
contenu du texte de ce rouleau de cuivre. L'on
appris avec stupéfaction l'énumérer des trésors du Temple de Jérusalem, avec
l'étonnante nomenclature des différentes caches contenant plusieurs tonnes d'or
et d'argent dissimulées avant la prise de Jérusalem par les romains, en l'an 70
de notre ère… Déjà les fonds en déshérence, en somme !
En 1952, un communiqué très laconique paru dans une revue
spécialisée, la revue biblique, éditée par le père Devaux. Cette revue
informait le monde des exégètes de l'extraordinaire découverte
de documents inespérés qui, à la réjouissance du monde scientifique, devait
apporter un éclairage nouveau sur cette période très controversée qu'était la
naissance du Christianisme.
Que contenaient les documents ? On distingue 9 types de
textes dans les manuscrits:
1. Les Messianiques et Visionnaires, dont le
manuscrit le plus représentatif est "La nouvelle Jérusalem" attribué
au prophète Ezéchiel, qui se réfère à une apocalypse imminente.
2. Les
textes inédits de prophètes connus et des textes rédigés dans le style de la
Bible (les Apocryphes).
3. Les
exégètes bibliques, commentaires et révisions du Testament, rédigés dans
l'esprit spécifique de ce groupement juif.
4. Les
textes dits calendaires et gardes sacerdotales, système de calendriers et
prescriptions sur la rotation des prêtres à certaines tâches (les Esséniens
avaient adopté le calendrier solaire alors que le peuple d'Israël fonctionnait
sur le calendrier lunaire.)
5. Les
testaments et admonitions que l'on peut définir comme textes de sagesse
considérés comme Justice, c'est à dire permettre au fidèle d'assurer son Salut.
6. Les
Psaumes et Mystères.
7. Le
rouleau de la Guerre, où certains principes guerriers nous étonnent et prouvent
que cette Communauté n'était pas indifférente aux événements politiques et
militaires qui se déroulaient dans cette région, sous occupation romaine, comme
la version officielle a bien voulu nous le faire accroire.
8. Les textes sur la divination, la magie, l'astrologie
et l'occultisme en général que ce groupe prisait fort. Plusieurs rouleaux
étaient codés, c'est à dire écrit en langage kabbaliste comme l'Apocalypse de
Jean par exemple, où la Guématria, manipulation des
nombres, est très importante dans ce texte que l'on peut décrypter au travers
de la connaissance de la Kabbale juive.
Jusqu'à plus ample informé,
aucun de ces manuscrits ne cite le nom de Jésus. Toutefois le caractère d'un
personnage, assez énigmatique, le Maître de Justice peut évoquer et préfigurer
celui de Jésus. Les manuscrits de la Mer Morte présentent donc un intérêt
considérable pour les historiens des religions et les historiens généraux.
Ils éclairent un
aspect toujours obscur de la naissance du Christianisme et de la vie
spirituelle et politique du peuple juif dans les provinces romaines de la
Palestine, du 1°siècle jusqu'à la destruction du Temple de Jérusalem par les
troupes romaines en 70 de notre ère.
Le nombre incalculable d'écrits datant de cette période nous
permet de constater que ce fut une période prolifique et pleine d'effervescence
spirituelle pour le peuple juif : la preuve de la vitalité de la pensée juive
et de sa vie spirituelle qui fut contesté par le christianisme paulinien.
Par contre aucune trace
historique écrite concernant le Christianisme ! Le plus étonnant c'est que le
témoignage écrit des MM, qui par sa datation se situe exactement dans la
période du postulat d'un nommé Jésus dont le nom ne figure dans aucun des 800
rouleaux trouvés et dans aucun écrit de
l'époque.
Comment le personnage de
Jésus peut-il être ignoré s'il a eu l'impact extraordinaire que les évangiles
nous rapportent ? Comment ce personnage dont les faits et gestes ont été
magnifiés pouvait-il être ignoré d'une secte qui vivait à 30 km de Jérusalem et
qui avait des adhérences et représentations au travers de toute la Palestine
ainsi que dans tous les pays limitrophes (Syrie, Egypte, ex. )
Aussi étrange que cela paraisse, ces manuscrits rédigés en
langue hébraïque sacerdotale et en araméen, langage courant, donc textes écrits
par des juifs pour des juifs, furent interdits d'approche aux exégètes juifs
qui voulurent les consulter !
Il faut savoir que l'école biblique de Jérusalem est
l'émanation de l'ordre des Dominicains et dépend directement de l'autorité de
Mgr Ratzinger, qui au Vatican dirige au titre de Préfet la Congrégation pour la
doctrine de la foi . Cette institution ne date que de
1965, mais ses origines remontent au XIII° et était connue sous l'appellation
du Saint Office ou la terrible Inquisition.
Il est intéressant également de constater que le ministère
de Mgr Ratzinger dépend directement de l'autorité du Pape, sans intermédiaire. Le
degré d'intervention de l'église catholique dans les recherches qumraniennes ne peut qu'éveiller les soupçons. Peut-on
ignorer la possibilité d'une relation de cause à effet entre cette intervention
et le gâchis de cette affaire qui a consistée pendant des décennies en une
rétention et une non-publication de documents
essentiels appartenant à toute la communauté scientifique internationale.
Une idée s'impose : les
intérêts en jeu dépassaient les simples préoccupations de réputations
scientifiques : le Christianisme était mis en cause dans ce qu'il a de plus
spécifique : son dogme.
Depuis la découverte des premiers manuscrits, une seule
question hante les esprits, provoquant curiosité et anxiété : ces textes
trouvés si près de la source, jamais divulgués, à l'inverse du Nouveau
testament, ouvrent-ils de nouvelles perspectives sur les origines du
Christianisme, sur l'Eglise primitive de Jérusalem sur Jésus lui-même ?
Contiennent-ils des choses
compromettantes, quelque chose qui remet en cause la Tradition ?
Les découvertes des documents
de Nag Amadi, dans la
région du Fayoum en Egypte (évangiles gnostiques trouvés en 1945, l'évangile de
Thomas, de Barnabé et de Marie) confirmeraient les manipulations des Evangiles .
(Je vous enjoins
particulièrement de lire "L'évangile de Marie" traduit par le père Leloup qui, a mon humble avis est particulièrement
révélateur et serait un précieux apport à la thèse du mariage des prêtres).
Tous les documents de la
grotte n04 en provenance de Qumran furent confisqués
par les chercheurs de l'école biblique qui n'avaient pas particulièrement
qualité universitaire pour les étudier.
Depuis presque quarante cinq ans et malgré les nombreuses
injonctions que la communauté scientifique internationale adressa vainement à
l'école biblique, une fin de non recevoir lui fut toujours opposée. Jusqu'à ce
jour les 3/5 des manuscrits ont été publiés. Le
directeur de l'école biblique prétexta le long travail de reconstitution et de
traduction des textes au vu de leur dégradation.
Aspect tout à fait concevable si nous étions au début du
siècle ! Mais, avec les moyens techniques ultra sophistiqués
qui sont mis à la disposition du monde scientifique, ce retard paraît pour le
moins suspect.
Deux jeunes chercheurs américains nous en firent la
démonstration il y a quelques années. Ils furent envoyés à Jérusalem par leur
université respective auprès du père Strugnel,
nouveau directeur de l'Ecole biblique à la mort du Père Devaux, et seul éditeur
exclusif mondial de toute la publication de cette institution.
Ces deux savants furent à
leur tour éconduits avec l'affirmation péremptoire du directeur, que jamais de
leur vivant ils ne pourraient consulter les manuscrits ! Piqués au vif,
et par des moyens peu orthodoxes, nos deux chercheurs piratèrent certains
documents qui leurs étaient indispensables pour leurs propres recherches et,
grâce à l'informatique, réussirent à reconstituer certains éléments qui leurs
faisaient défaut. La lecture à l'infrarouge ne fut pas négligée.
Puis, par la suite, grâce à
des lambeaux de cuir achetés à prix d'or à des marchands arabes de Bethléhem, furent reconstitués des rouleaux entiers au
travers du code génétique de chaque morceau de cuir. Ce qui permit, en l'espace
de deux ans de présenter au musée du livre de Jérusalem ces précieux documents
augmentés du Rouleau du Temple, véritable Thora éssénienne.
Il est intéressant de
connaître les péripéties qui accompagnèrent son achat effectué par le général Ygal Yadin, fils du grand
archéologue israélien Sukenick :
A vendre : manuscrits bibliques datant environ du II°siècle
av. notre ère Conviendraient parfaitement comme don, collectif ou individuel, à
une institution religieuse ou universitaire.
Cette annonce parue dans le WalI Street Journal du 10 juin 1954, passerait aujourd'hui pour
une plaisanterie douteuse ou un message codé destiné à masquer un trafic
d'armes ou un fait d'espionnage.
Aujourd'hui, en effet les manuscrits de la Mer Morte sont
suffisamment connus, au moins de nom. Même si la plupart des gens n'ont qu'une
vague idée de la question, ils pressentent que ses rouleaux représentent une
source d'une rare authenticité et une preuve archéologique d'une importance
primordiale.
Le vendeur était le chef spirituel du monastère St Marc de
Jérusalem qui avait acquit ce rouleau pour une bouchée de pain, auprès des
Bédouins pilleurs de grottes et il espérait, par une négociation aux
Etats-Unis, tirer le meilleur parti financier possible. Tous ses rouleaux se
trouvent au Musée du livre de Jérusalem exposé au grand public, dans un superbe
bâtiment, construit tout spécialement à cet effet.
Dans ces conditions, le
silence presque total de la part des détenteurs des manuscrits de l'école
biblique de Jérusalem paraît pour le moins gênant, pour ne pas dire davantage.
Et l'on se sent bien dans l'obligation de se poser des questions quant au pourquoi
d'une rétention de documents aussi longue.
Ce questionnement s'est produit au travers de la grande
presse internationale en 1993 après que nos deux chercheurs eurent publié le
résultat de leurs travaux, sans l'autorisation du directeur de l'école biblique
qui se réservait l'exclusivité de toutes les publications sur les manuscrits.
Le scandale éclata grâce à l'intervention du directeur d'une revue biblique américaine dirigée par l'avocat Shanks. Après plusieurs demandes réitérées adressées au nouveau directeur, le Révérend père Srugnel, Monsieur Schanks fut à nouveau éconduit.
Le père Strugnel donna à cette
occasion une interview à un journal israélien, affirmant
que le Judaïsme était une horrible religion et que le peuple juif, par sa
survie, prouvait son entêtement dans l'erreur puisqu'il refusait de se
convertir au Christianisme ! Et il ajoutait qu'il n'aurait pas été en peine de
la disparition de l'état d'Israël. Le Père Strugnel
fut relevé de ses fonctions, deux ans plus tard…pour éthylisme profond.
Les manuscrits, œuvres
juives, à la disposition de gens si mal intentionnés par rapport au Judaïsme,
comment pouvait-on croire à l'impartialité de tels traducteurs qui, en plus,
n'avaient pas les compétences nécessaires à une telle recherche.
Je vais essayer de vous livrer les passages qui m'ont le
plus intéressé dans les 30 livres que j'ai lus à cet effet, tous documents
historiques irréfutables et non théologiques, ne voulant pas entrer dans ce
débat ! Plus de 2000 livres et revues furent publiés dans cette période de
cinquante ans, et les romans de fictions firent florès, mais aussi étrange que
cela paraisse, trois parmi ces deux mille livres furent très méchamment
attaqués par les exégètes chrétiens:
D'abord la parution de DUPONT-SOMMERS professeur à la
Sorbonne et le seul laïc à être autorisé à travailler sur les manuscrits. Il
publia son livre en 1954, livre très controversé à l'époque, car DUPONT -
SOMMERS faisait la démonstration de l'origine du Judaïsme dans le
Christianisme.
A l'instar d'Ernest Renan qui au cours d'une conférence
chahutée en Sorbonne s 'écriait déjà, au XIXème
siècle "Le christianisme c'est l'Essénisme qui a réussi" Le deuxième
est l'Anglais, Edmond Wilson journaliste scientifique dont l'intégrité morale
qu'il avait déployée dans de précédentes recherches ne pouvait être mise en
doute.
Le troisième est John Allégro qui fut écarté de la recherche
sur les Manuscrits sous le prétexte que ces conclusions n'allaient pas dans le
sens souhaité par le consensus de l'école biblique. Je précise que John Allégro
était un éminent philologue et c'est lui qui fut chargé de décrypter le fameux
rouleau de cuivre dont les conclusions de son travail le rendit
suspect aux yeux du consensus de l'Ecole biblique.
Ces trois érudits affirmaient tous trois :
1. que toutes
les paraboles contenues dans les Evangiles existaient avant dans le Judaïsme et
faisaient partie intégrante de l'enseignement pharisien !
2. que le Maître de Justice étant décrit dans les
manuscrits, aurait pu servir de modèle au personnage de Jésus dans les
Evangiles.
3. que l'attente de la résurrection et de la
Bonne nouvelle dont nous parle les Evangiles, existait un siècle avant le
Christianisme parmi ce groupe juif dissident qui se retira au bord de la Mer
morte pour attendre sa résurrection à la fin des Temps.
4. Gène des milieux chrétiens qui par ces
preuves écrites, donc documents historiques irréfutables, attestaient de
l'antériorité de cette croyance essénienne au christianisme.
Il existe pourtant de nombreux points communs entre les
textes qumraniens et ceux de l'Eglise primitive.
Certains parallèles sont même flagrants, comme on va le constater plus loin.
Pas autre chose que se qu'affirmaient Dupont-Sommer,Jean Carmignac John Allégro,
Edmond Wilson et bien d'autres qui furent écartés de la recherche par manque
d'esprit de ralliement à la ligne de conduite et de pensée de l'école biblique.
La communauté de Qumran pratiquait
un rite proche du baptême, premier sacrement des Chrétiens. Jean le baptiste a
probablement appartenu au groupe des Esséniens de Qumran.
Selon l'un des manuscrits intitulé la Règle : c'est par
l'esprit saint de la Communauté, dans sa vérité que le novice sera purifié de
toutes ses iniquités... Et c'est par l'humilité de son âme à l'égard de tous les
préceptes de Dieu que sera purifiée sa chair, lorsqu'il sera aspergé d'eau
lustrale.
Par ailleurs, il est écrit dans les Actes des Apôtres, que
l'Eglise primitive partage tout : tous les croyants ensembles mettaient tout en
commun; ils vendaient leurs biens et partageaient selon les besoins de chacun.
Jour après jour, d'un seul cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple. Curieuses coïncidences!
On retrouve le même état d'esprit dans le rouleau de la
Règle de Qumran! La nécessité de partage et de
fraternité ainsi que de fidélité au culte du Temple; et par-dessus tout, le respect scrupuleux de la Thora ou lois de Moïse.
D'après les Actes des Apôtres, la première Ecclésia de
Jérusalem était dirigée par les douze Apôtres dont trois exerçaient une
autorité particulière : Jacques frère de Jésus, Jean et Pierre.
Ceux que les Evangiles désignent comme les Nazaréens.
Parmi les termes utilisés par les scribes de Qumran pour désigner les membres de la communauté, on
trouve très souvent celui de "gardien de l'Alliance", en hébreu
NOZREI HA-BRITT. C'est de ce mot que vient NOZRIM, l'une des premières
dénominations hébraïques pour la secte connue plus tard sous le nom de
"chrétiens"; NAZRANI, qui signifie chrétien en arabe est de même
source.
Cette étymologie éclaire l'origine du mot
"nazaréen", par lequel se désignent les premiers chrétiens, à la fois
dans les Evangiles et dans les "Actes des Apôtres. Ce qualificatif
n'aurait rien à voir avec une prétendue enfance de Jésus à Nazareth. Cette
ville n'existant pas à l'époque. Or on lit dans la règle de la Communauté que
le conseil est composé de 12 hommes et 3 prêtres. Enfin la Communauté de Qumran et l'Eglise primitive étaient essentiellement messianique :
elles attendaient l'une et l'autre
l'avènement imminent d'un Messie. Toutes deux se réclamaient d'une figure
charismatique dont la personnalité les galvanisait et dont l'enseignement
formait le fondement de leur doctrine.
Pour l'Eglise primitive cette figure est Jésus, et dans les
textes de Qumran on trouve la mention du Maître de
justice ou Morey ha Zcédek.
Certaines descriptions semble se référer à Jésus et
plusieurs savants ont émis l'hypothèse d'une assimilation au personnage du
Maître de justice.
Mais à l'inverse des Evangiles, le Maître de justice des écrits qumraniens n'est pas une personne divine et cette pensée était inconcevable dans l'esprit juif, même d'un groupe dissident du judaïsme officiel et sacerdotal.
Si les manuscrits qumraniens et
les textes de la première Eglise présentent des principes, des idées, des rites
communs, la ressemblance est plus frappante encore quand aux images et aux
vocabulaire employés dans l'Evangile de Marc, qui apparemment est le plus
ancien et le plus proche de la période de Qumran
" Bien heureux les doux, " dit Jésus dans l'un des versets les plus
célèbres du Sermon sur la montagne, " car ils posséderont la terre. Mais
les humbles posséderont la terre réjouis d'une grande paix ".
Ce psaume présentait un intérêt particulier pour la
Communauté de Qumran car la Communauté se proclamait
elle-même la congrégation des Pauvres ;en hébreux
"les Ebionim". Jésus d'après les Evangiles,
proclame dans son sermon sur la montagne "heureux ceux qui ont une âme de
pauvre car le royaume des cieux est à eux ".Quel révolutionnaire !
Ce n'est pas le seul parallèle.
Tout l'Evangiles de
Matthieu contient des métaphores et un vocabulaire presque interchangeables
avec le Rouleau de la Règle. Ainsi dans Matthieu, Jésus parle de la Perfection
: " Vous donc vous serez parfait comme votre père céleste est parfait
"
Le rouleau de la Règle évoque "ceux qui marchent dans
la voie de la Perfection selon ce que Dieu a prescrit ". La Règle commence
par ces mots : "Le Maître instruit les Saints pour qu'il vivent selon la
Règle de la Communauté; pour rechercher Dieu...et pour faire ce qui est bon et
droit devant Lui, selon ce qu'il a prescrit par l'intermédiaire de tous les
Prophètes. Et celui qui transgressera un point quelconque de la Loi c'est à
dire l'enseignement de la Thora de Moïse, sera chassé du conseil de la
Communauté ".
En fait Jésus réaffirme sa
stricte observance de la Loi mosaïque.
Toujours dans le Sermon, Jésus déclare "n'allez pas
croire que je suis venu abolir la Loi ou les Prophètes, je suis venu
l'accomplir. Car je vous le dis, en vérité, avant que ne passe le ciel et la
terre pas un I, pas un point ne passera de la Loi ".
La similitude entre les documents de Qumran
et les Evangiles se retrouve également dans le repas de la Cène, ce qui en
hébreu est le repas du Seder, que les Juifs du monde
entier font en commun pour commémorer la sortie du peuple juif d'Egypte, repas
qui est symbole de libération de l'esclavage auquel le peuple hébreu était
soumis par les Pharaons d'Egypte.
Le déroulement de la Cène, tel qu'il est décrit dans les
Evangiles présente de nombreuses similitudes avec le repas rituel de la
Communauté de Qumran : " Ils disposeront la
table pour manger. Le prêtre étendra en premier sa main pour que l'on prononce
la bénédiction sur les prémices du pain et du vin." La Règle communautaire
en donne une version similaire:
" Quand ils se réuniront pour la table et mêleront le
boire, que personne n'étende sa main sur les prémices du pain et du vin avant
le prêtre…et ensuite le Messie d'Israël étendra ses mains sur le Pain. "
Je pourrais citer beaucoup d'autres similitudes, mais je
vous laisse le soin de les découvrir vous-même au travers de la très nombreuse
bibliographie dont je tiens la liste à votre disposition.
Les manuscrits de la Mer Morte ne sont pas un livre contemporain
qui expose une thèse controversée. C'est un témoignage direct, étayé par le
sérieux de la recherche scientifique et l'érudition du XX siècle sur des
documents enfouis il y a 2OOOans.
En somme l'histoire des MMM n'est pas terminée.
De nombreux rouleaux
restent encore à décrypter…et d'autres ont mystérieusement disparus, en
particulier certains de ceux qui pourraient participer à la compréhension de
l'héritage pharisiens rabbinique dans le Christianisme naissant.
Certains journalistes, après
enquête approfondie, prétendent en connaître les propriétaires. Ce serait des
hommes d'affaires du Moyen-Orient qui préfèrent les Rouleaux comme moyens de
placements, plus sûrs que des actions en bourse. Quant aux autres rouleaux
manquants, le doute plane toujours ! Ainsi ce marché parallèle soustrait à
l'examen des archéologues et des biblistes quantité de documents-clé. En fait
les chercheurs officiels ne soupçonnent pas l'ampleur du trafic qui a privé la
communauté scientifique internationale de pièces capitales permettant la
progression de leurs études.
Les textes de Qumran sont-ils en
contradiction avec ce qui peut être cher aux Chrétiens ?
Militent-ils contre le caractère "unique " de Jésus ? Une bonne réponse est sans doute celle du savant jésuite Joseph Fitzmyer dans son petit ouvrage "Réponse aux 101 questions sur les rouleaux de la MM(Londres 1992) :
:Que le Maître de justice ait enseigné quelque chose de
proche de ce que Jésus a enseigné, écrit-il, ne doit pas troubler un chrétien
averti, un chrétien dont la foi échappe à toute tendance fondamentaliste ! ...
C'est bien le fond du problème. C'est reconnaître en même
temps que les textes de Qumran peuvent inquiéter une
foi chrétienne fondée sur la présentation traditionnelle des Evangiles comme
rapportant les faits et gestes de Jésus.
Certes, les Chrétiens ne refusent nullement d'admettre que
le Christianisme soit sorti du moule du Judaïsme. Mais chez nombre d'entre eux
on trouvera, comme l'a écrit E. Wilson, quelque réticence à accepter l'idée que
les principes moraux et la mystique des Evangiles puissent s'expliquer
simplement comme la création de plusieurs générations de Juifs travaillant
selon leur propre tradition religieuse et qu'il n'est pas nécessaire de
supposer le miracle de quelque intervention divine pour sauver la race humaine.
Le regard ne compte pas moins ici que la chose regardée !
Pour tous ceux qui souhaitent comprendre et mieux connaître les conditions dans
lesquelles est né le christianisme, il y a 2000 ans, pour ceux qui ont le goût
de l'histoire et de la vérité historique, dans la mesure ou elle peut être
approchée, les textes de Qumran apportent avec une
documentation naguère encore inespérée, un extraordinaire éclairage sur une
période obscure et l'une des plus dramatique de l'histoire de l'humanité.
Il y a quelques années, me trouvant à Jérusalem, j'ai voulu
faire mon petit détective auprès de personnes que je pensais être accréditée à
répondre à une question qui me paraissait brûlante : pourquoi le gouvernement israélien, devenu autorité de tutelle, après
la guerre des six jours et la réunification de Jérusalem, n'a-t-il pas fait
pression sur la direction de l'école biblique pour obtenir un libre accès aux
documents jalousement détenus par cette institution?
Au risque de vous étonner, la
réponse m'est venue par un communiqué laconique, au cours de l'énoncé d'un
bulletin d'information à la radio, alors que j'écoutais distraitement : en Mars 1995 annonçait le chroniqueur, le Vatican
reconnaissait officiellement l'existence de l'état d'Israël, longtemps après
que cet état ait été officiellement reconnu par le concert des Nations, en
1948.
Et je compris qu'Israël avait fait profil bas
pendant toute cette affaire, parce que politiquement, il était préférable
d'être reconnu par quelques millions de Chrétiens.
Le
silence d'Israël sur les documents de la MM était la monnaie d'échange de la
reconnaissance à son existence politique, par le Vatican.
A
l'instar de notre bon roy Henry IV le dit un jour :
Jérusalem
valait bien une messe !
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L'énigme des manuscrits de la Mer morte
Le texte des manuscrits de la Mer
morte n'a plus rien à nous apprendre. Mais leur support physique, lui,
permettra peut-être de résoudre une énigme historique.
Israël
02/02/1999 - Les manuscrits de la
Mer morte ont peut-être dit leur dernier mot, mais ils ont encore beaucoup de
choses à nous apprendre. En effet, après 50 ans d'études sur les textes
eux-mêmes, sur la calligraphie et sur la langue utilisée, les exégètes croient
avoir épuisé le filon. Ils se tournent maintenant vers l'archéologie de pointe
pour en apprendre plus.
Plus de 800 documents ont été
retrouvés dans des jarres de terre cuite dans 11 grottes près de la Mer morte
depuis 1947. Écrits en hébreu, en araméen et en grec, ils contiennent des textes de l'Ancien
Testament, des psaumes et des commentaires.
Certains sont codés. Leur âge : près de 2 000 ans. Ces manuscrits ont-ils été
écrits sur place par une communauté religieuse ou ont-il été apportés de
Jérusalem en l'an 70 avant la destruction de la ville par les Romains? Bien que
la première hypothèse soit la plus probable, la question divise les
spécialistes.
Plusieurs pistes sont possibles,
pour trancher la question. D'abord, les jarres elles-mêmes. L'argile utilisée
vient-elle de Jérusalem ou des abords de la Mer morte? Une analyse chimique
poussée devrait permettre de le savoir. Ensuite, la terre cuite contient des cheveux et diverses fibres.
Qui sait ce que la science pourra en tirer?
Enfin, les parchemins eux-mêmes n'ont pas tout révélé. On a trouvé de vieux os
d'animaux dans les grottes. L'ADN de ces os
correspond-il à celui des peaux de chèvre sur lesquelles on a écrit? Mystère.
D'autant plus que ce vieil ADN n'est pas facile à extraire.
La recherche de ces minuscules
indices vieux de 2 000 ans rappelle une intrigue policière. D'ailleurs, les
chercheurs ont retenu les services d'un expert israélien en police scientifique
pour les aider. Il vient déjà de démontrer que
les pièces de peau qui forment l'un des rouleaux ont été cousues
par trois personnes différentes.
Élémentaire, mon cher Watson
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Après 50 ans, les Manuscrits de la Mer Morte...
Une date mémorable
Le 29 novembre 1947, l'ONU décidait le partage de la Palestine, Juifs et Arabes recevant leurs zones définies. Un vote historique où USA et URSS se "disputèrent" l'honneur d'être la première des grandes puissances à reconnaître le futur Etat d'Israël... et pour de longues décennies, ce fut probablement la seule fois qu'elles manifestèrent un tel accord dans l'auguste arène de Manhattan.
Ce vote mémorable avait déclenché une explosion de joie, tant parmi les communautés juives du monde entier que parmi les ressortissants israélites déjà établis en Palestine.
Or, en ce même jour du 29 novembre, le Professeur A. Sukenik, spécialiste de paléographie judaïque à Jérusalem, faisait connaître au monde la valeur exceptionnelle d'une sensationnelle trouvaille archéologique : les fameux Manuscrits de la Mer Morte, découverts fortuitement par deux jeunes Bédouins dans la région de Qumran (désert de Judée) quelques semaines auparavant.
Le bilan actuel des fouilles faites au cours des années dans les grottes surplombant la Mer Morte est le suivant: 100'000 fragments de vieux textes juifs, répartis en 870 manuscrits différents, dont 220 sont des textes bibliques de l'Ancien Testament. Tous les livres canoniques de l'AT y sont représentés, sauf celui d'Esther - les scribes de Qumran étaient-ils trop "spirituels" pour admettre l'authenticité d'un livre où ne figure pas le nom de Yahvé ?
Des Esséniens... aux Bédouins de la région de Qumran
Rappelons les faits: Au IIIe siècle avant l'ère chrétienne, une secte de Juifs pieux (probablement les Esséniens) s'isole au désert de Juda pour s'adonner à l'étude et à la transcription des textes sacrés hébraïques. Ils ont élu domicile au "monastère" de Qumran où plusieurs générations de scribes se succèdent, jusqu'en l'an 68 de l'ère chrétienne. Mais les Israélites de Palestine se sont soulevés contre le joug de Rome, et pour mater cette révolte, le général Titus (futur empereur) envahit alors la Palestine avec ses légions, qui brûlent le temple de Jérusalem en l'an 70.
Terrorisés par cette menace, les scribes de Qumran ont caché leurs trésors - leurs fameux manuscrits - dans les grottes de la région (au nombre de 185, dont 15 ont été reconnues comme "bibliothèques" à manuscrits, il faudrait plutôt dire : dépôt de cruches allongées en terre cuite, à l'intérieur desquelles on glissait les parchemins précieux, selon un vieux mode de conservation, déjà en vigueur au Vle siècle av. J.-C. cf. Jérémie 32:14).
En cette année 68, les événements justifièrent la prudence des scribes de Qumran, que les Romains massacrèrent jusqu'au dernier. Mais leurs trésors scripturaires échappèrent miraculeusement à la destruction... et demeurèrent cachés durant près de 19 siècles, jusqu'au jour où ces deux jeunes Bédouins, en quête d'une chèvre égarée, tombèrent fortuitement sur les premières cruches à manuscrits. Quelques jours après, ils apportaient leur trouvaille à un cordonnier de Bethléhem (la ville la plus proche) qui leur en donna quelques piastres. Comme la guerre entre Juifs et Arabes faisait déjà rage, on dut recourir à un passeur qui transmit ces précieux manuscrits emballés dans de vieux journaux, à l'Université hébraïque, sise dans la partie juive de Jérusalem.
Dieu règle les contingences de l'histoire
Remarquons la coïncidence des faits, des dates et des lieux. En l'an 70, Titus ordonne la déportation des Juifs de Palestine, coupant ainsi le fil de l'histoire nationale d'Israël. Le nom même de Jérusalem disparaît des cartes, au profit de son appellation latine Aele Capitolina. Dix-neuf siècles s'écoulent, au cours desquels plus de 70 générations de Juifs relégués aux quatre coins de la planète prieront "l'an prochain à Jérusalem", mais sans voir l'exaucement de leur requête. Après la Deuxième Guerre mondiale, la société humaine est sous le choc de la découverte du massacre de six millions de Juifs dans les fours crématoires nazis.
Elle accorde alors une patrie aux rescapés du génocide. C'est d'une part enfin le "home" promis en Palestine déjà en 1917 par Lord Balfour, alors chef du Foreign Office de Londres. Mais surtout c'est le commencement de l'accomplissement de dizaines de promesses divines qui "fleurissent" dans tout l'Ancien Testament.
Or en cet automne 1947, quand le fil d'Ariane de l'histoire du peuple élu renoue avec "la chronologie planétaire" Dieu permet une nouvelle "naissance" à Bethléhem : l'apparition de textes bibliques disparus 19 siècles auparavant. N'est-ce pas frappant de penser que, le jour-même où les Nations Unies ont décidé du partage de la Palestine, le monde était mis en face de la plus sensationnelle des découvertes archéologiques du XXe siècle ?
Car avec les exhumations
consécutives, c'est un Ancien Testament hébreu presque complet, caché avant
l'an 70, qui est réapparu, apportant au monde une double démonstration :
Premièrement, le
sort d'Israël est toujours étroitement lié à celui de ses propres Ecritures,
appelées à resurgir des antres de la terre quand le peuple hébreu renaît.
Deuxièmement, le
texte hébraïque transcrit au travers des siècles par des milliers de copistes
juifs, base de la plupart des traductions modernes de l'Ancien Testament, est
étonnamment confirmé dans son authenticité par ces documents, de mille ans plus
anciens.
Un demi-siècle d'inutiles palabres
Que s'est-il passé depuis 1947 ? D'abord les musées les plus
prestigieux de la terre entière se disputèrent l'honneur d'exposer au moins un
fragment de ces fameux documents. Dès les années 1950, on nomma un comité
"d'étude et d'édition" des Manuscrits de la Mer Morte, formé en majorité d'érudits catholiques et à
l'exclusion de tout savant juif !
Les choses ne changèrent vraiment qu'après 1967, quand les textes de Qumran purent être transférés du Musée Rockfeller au Sanctuaire du Livre érigé par les Israéliens à la place d'honneur, c'est-à-dire à deux pas de la Knesseth, le parlement israélien.
Cependant, l'intérêt porté au début à la trouvaille de Qumran s'estompa. D'une part, les spécialistes penchés sur ces textes ne publiaient pas de comptes-rendus de leurs travaux, d'autre part les bruits les plus invraisemblables circulaient au sujet des fameux scribes esséniens, auteurs présumés de ces textes. Selon le professeur John Allegro, leurs annales révélaient par exemple la crucifixion et la résurrection de leur propre "messie" autour de l'an 100 avant J.-C.
De là à déduire que les quatre Evangélistes s'étaient inspirés des traditions esséniennes il n'y avait qu'un pas, que franchirent allègrement les libéraux de tous bords (juifs, catholiques ou protestants).
D'autres légendes issues des traditions esséniennes décrièrent également les textes du Nouveau Testament : Ainsi, Jésus aurait été assassiné par Simon le Zélote (cf. Luc 6:15), alors que pour d'autres, le Christ avait été crucifié, mais n'était pas mort, parce que maintenu en vie grâce au venin d'un serpent; puis il se serait marié et aurait eu deux enfants !
Des propos blasphématoires donc, rendus crédibles par l'interprétation de certains documents non bibliques également trouvés dans les grottes de Judée.
La découverte des Manuscrits de la Mer Morte allait-elle desservir la cause pour laquelle Dieu avait permis qu'ils soient exhumés ? Bien sûr, c'était de l'eau qui faisait tourner le moulin des rationalistes protestants.
Quant aux érudits catholiques,
ils évitaient de publier leurs documents parce que ces témoins juifs, presque
contemporains des apôtres, ne cautionnaient pas du tout certaines clauses de la
tradition romaine adoptées durant les premiers siècles de l'ère chrétienne.
Une saine réaction en notre fin de siècle...
Cependant, au début des années quatre-vingt-dix, l'apparent
"boycottage" empêchant la publication des fameux documents de Qumran devint insupportable à quelques scientifiques
américains qui ont "forcé le blocus" en dévoilant le contenu de bien
des manuscrits mis au secret pendant 40 ans et plus. Il s'agit des professeurs Martin Abegg, Peter
Flint et Craig Evans, tous trois pleinement respectueux de l'authenticité des
textes sacrés.
Je cite l'un d'eux : "Quand Bultmann et
ses consorts libéraux prétendent que le langage employé par le Fils de Dieu
montre à l'évidence l'absence de référence à la mentalité juive et l'influence
déterminante de la culture gréco-romaine - qui pourtant faisait des empereurs
des fils des dieux - les Manuscrits de la Mer Morte montrent tout au contraire
à quel point les textes du Nouveau Testament sont l'exacte expression du langage
utilisé en Judée avant Jésus-Christ et au début de l'ère chrétienne."
Alors que le texte massorétique du Psaume 22:17 s'exprime en ces termes: "Comme un lion mes mains et mes pieds", les Manuscrits de la Mer Morte reviennent à l'original : "Ils ont percé mes mains et mes pieds" (préservé dans la Version des LXX, IIIe siècle av. J.-C.), dont l'application à la crucifixion du Fils de Dieu est évidente.
Autre exemple : Lorsque Jésus répond aux disciples de Jean-Baptiste venus l'interroger (Mathieu 11:1-5), il cite Esaïe 61 en y ajoutant la courte phrase les morts ressuscitent. Or ces mots (qui ne se trouvent pas dans le texte massorétique d'Esaïe) figurent bel et bien sur les parchemins de Qumran.
Ce
n'est pas, ajoute le professeur Evans, qu'il faille chercher dans les
Manuscrits de la Mer Morte des preuves de l'inerrance des Ecritures. Mais
l'interprétation hébraïque de l'époque apporte de vives lumières sur certains
textes de l'AT demeurés obscurs.
Et même les écrits profanes de Qumran font des allusions à des faits mentionnés dans les livres sacrés, ce qui permet de les interpréter correctement. Quand 1 Samuel 11:2 indique que Nachasch, roi des Ammonites, voulait jeter l'opprobre sur Israël en crevant l'œil droit de chacun des habitants de Jabès en Galaad, les documents de Qumran affirment que telle avait déjà été auparavant la méthode de Nachasch à l'égard de l'ensemble des Gadites et des Rubénites.
Il s'agit donc de compléments d'information qu'il ne faut pas dédaigner puisqu'ils mettent en relief la véracité des textes et leur exacte transmission jusqu'à nos jours. Des documents qui surtout font ressortir à quel point le monde juif du premier siècle était dans l'attente de la manifestation de son Messie.
... et des prises de position
Aux Etats-Unis les camps se tranchent, mais se renforcent de
part et d'autre : Alors que les universités sont devenues des forteresses du
libéralisme, les facultés évangéliques de théologie et les nombreux Instituts
bibliques - qui polarisent toujours plus d'étudiants - proclament haut et fort l'authenticité et
l'inerrance de la Bible. Or, les publications les plus récentes consacrées aux
Manuscrits de la Mer Morte rendent honneur à la sainte Parole de Dieu de la
manière la plus évidente.
J. H. Alexander, d'après Christianity Today octobre 1997
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par Jocelyn Rochat, journaliste RP
Ø C'est à croire qu'on ne saura jamais ce que
faisaient les Esséniens sur les bords de la mer Morte, à l'époque où Jésus
Christ était vivant! Des manuscrits datant de cette époque ont pourtant été
découverts près de Qumrân en 1947.
Ø Récupérés par miracle, ces précieux
témoignages aux mains de chercheurs peu pressés et jaloux de leurs privilèges
n'ont été publiés et traduits qu'au ralenti. Si bien que, 50 ans plus tard, une
bonne part du mystère demeure. Essai de clarification
1947-1997:
depuis leur découverte, il y a cinquante ans, les manuscrits de la mer Morte n'ont cessé de susciter des polémiques. Que ce soit à propos
des conditions rocambolesques dans lesquelles cette découverte extraordinaire a
été effectuée (des fouilles clandestines en période de guerre, un marché noir
de manuscrits deux fois millénaires, etc.), mais encore à propos des décennies qui
ont passé avant que les chercheurs se décident enfin à publier le résultat
(vite contesté) de leurs travaux, un retard que certains scientifiques n'ont
pas hésité à qualifier de «scandale académique du siècle».
Cinquante
ans plus tard, l'étude de ces textes &endash; qui
comptent aussi les plus anciens manuscrits bibliques découverts à ce jour &endash; et de leurs auteurs les Esséniens entre fort
heureusement dans une phase plus calme et plus féconde : celle du véritable
travail scientifique.
Un berger poursuivant ses moutons...
Avant
d'en arriver là, il aura fallu un hasard quasi miraculeux. Tout commence au
printemps 1947, par la course d'un jeune berger bédouin qui s'élance à la
poursuite de chèvres égarées.
Nous
sommes dans une falaise du rivage nord-ouest de la mer Morte, non loin du site
de Qumrân, des ruines antiques que les archéologues
ont tantôt prises pour la Ville du Sel de l'Ancien Testament, un fortin romain
ou même les vestiges de la sulfureuse Gomorrhe!
Joum'a Mohammed &endash; c'est le
nom du berger &endash; est en pleine ascension au
moment où il découvre deux petits orifices dans le flanc de la montagne.
Intrigué, il y jette une pierre et perçoit avec surprise le bruit d'une poterie
qui se brise.
Deux
jours plus tard, le berger revient sur le site avec deux cousins, dont un mince
jeune homme, Mohammed Ahmed el-Hamed, surnommé Ed-Dib («le Loup»), qui parvient à se glisser dans la
grotte. Il atterrit sur un sol jonché de poteries brisées, et découvre, le long
des murs, un alignement de jarres étroites.
La grotte des grands manuscrits
Est-ce
un trésor? «Le Loup» plonge la main dans l'une des jarres et en ressort des
objets de cuir et des tissus, visiblement très anciens. Pour les Bédouins,
l'une des plus fantastiques trouvailles archéologiques du siècle débute par une
terrible déception.
Les
trois hommes emportèrent toutefois les manuscrits jusqu'à leur village, près de
Bethléem. Selon le récit de Harry Thomas Frank, dans l'ouvrage collectif
L'aventure des manuscrits de la mer Morte (Paris, Seuil, 1996), ces trouvailles
furent placées dans un sac et suspendues à un poteau de tente.
Dans
les semaines qui suivirent, les Bédouins revinrent dans la grotte &endash; que les archéologues appelleront plus tard Grotte 1
de Qumrân, ou Grotte des grands manuscrits. Ils y
trouvèrent sept autres rouleaux importants, dont quatre aboutirent au Monastère
de Saint-Marc, et trois autres à l'Université hébraïque de Jérusalem.
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25 décembre 2001
: Les éditions Oxford University Press
viennent d'annoncer aux Etats-Unis la publication des derniers volumes des
manuscrits de la mer Morte. Découverts en 1947, mais écrits entre 250 avant
J.-C. et 68 après, ces textes sont, malgré les demandes répétées des
spécialistes de la Bible, restés longtemps monopolisés par une minorité de
chercheurs.
Aujourd'hui
publiés, ils éclairent le judaïsme et le christianisme d'un jour nouveau.( Après 54 ans d'attente, les manuscrits de la mer Morte
sont enfin édités ! titre Le Monde
"L'ensemble
des trente-neuf volumes, présentés sous le titre général de Discoveries
in the Judaean Desert, sera complet en janvier 2002, avec la sortie du
dernier volume comprenant l'introduction et un index."
Cette annonce,
faite par Emmanuel Tov, professeur à l'Université
hébraïque de Jérusalem et responsable de la publication, peut paraître anodine.
Pourtant, elle clôt une longue saga archéologique entamée en 1955 avec la
publication du premier volume de ces manuscrits écrits pour l'essentiel en
hébreu entre 250 avant J.-C. et 68 après J.-C.
Cependant
quarante-six ans ont été qualifiées par Geza Vermès, professeur à l'université d'Oxford de scandale académique du XXe
siècle".
C'est en 1947 que
l'"affaire" des manuscrits de la mer Morte a commencé. Près de la
localité de Qumrân, en terre jordanienne, dans le
désert surchauffé de Juda. Alors qu'il cherchait une brebis égarée, un berger
de la tribu bédouine des Te'amré, Mohammed Ahmed el-Hamed appelé "le Loup", découvrit par hasard,
dans une caverne surplombant la mer Morte, une série de jarres étroites, hautes
d'environ 60 centimètres.
Certaines étaient
encore surmontées de leur couvercle en forme de bol. Dans l'une d'entre elles,
il trouva des paquets enveloppés de tissus contenant trois rouleaux de
parchemin, que sa tribu vendit ensuite à un marchand. Consultés sur leur
valeur, des experts internationaux confirment l'ancienneté de ces documents,
vieux au moins d'un siècle
avant Jésus-Christ.
Ils représentent
donc une incroyable découverte :
Celle de textes
de la Bible de mille ans plus jeunes que ceux que l'on connaissait déjà.
Après d'autres
recherches, la grotte n° 1 - il y en a onze - livrera au total sept grands
rouleaux, qui sont parmi les mieux conservés de tous les manuscrits de la mer
Morte. En particulier, le
rouleau d'Isaïe, qui mesure 7,34 mètres de
long. Puis, de 1952 à 1956, lors de fouilles systématiques effectuées à Qumrân par l'Ecole biblique de Jérusalem, la découverte de
dix autres grottes permettra de mettre au jour cinq autres rouleaux
pratiquement intacts - dont le
rouleau du Temple, long de 8,75 mètres - et d'innombrables fragments de quelque
700 textes.
La grotte n° 3
contenait, quant à elle, un mystérieux rouleau de cuivre brisé en deux, au sens
non encore élucidé. Les sept rouleaux de la grotte n° 1 furent publiés dans un
délai raisonnable, quelques années après avoir été étudiés
par des chercheurs français, anglais et
américains. Au fil des ans, les textes fragmentaires des autres grottes furent
également diffusés, à l'exception de ceux de la grotte n° 4, découverte en 1952
par le Père Roland de Vaux, directeur de l'Ecole biblique et archéologique
française. C'est par cette grotte-là que le scandale est arrivé.
Baigent et Leigh citent le sort de John Allegro
: il publia les textes qui lui avaient été assignés, et ses travaux furent sauvagement revus par Strugnell,
qui consacra plus de cent pages à en corriger les "erreurs". Mais
ceci ne pu se produire que parce que la compréhension du texte présentée par
Allegro était stupéfiante, et que ses interprétations étaient contraires à
celles de l'équipe.
Nul doute que Strugnell ait éprouvé une certaine jubilation à corriger
les "erreurs" d'Allegro et, à ma connaissance, plusieurs personnes
ont pris la défense des travaux d'Allegro, mais c'était trop tard. De plus, une
émission télévisée à la BBC parlant des travaux d'Allegro fut sans cesse
reportée et ne fut diffusée qu'en été à une heure de faible audience. Enfin, comme le reconnaissent Baigent et Leigh, Allegro, déçu
par le monde scientifique, courut à sa propre perte en publiant un livre
intitulé The Sacred Mushroom and the
Cross.
Ce livre fit scandale,
il niait l'authenticité de l'existence historique de Jésus, qui ne serait
qu'une simple image surgie dans le psychisme sous l'influence d'une drogue
hallucinogène, la psilocybine, ingrédient actif de champignons hallucinogènes.
Quatorze éminents
savants britanniques condamnèrent le livre dans une lettre au London Times.
L'éditeur présenta ses excuses pour l'avoir publié. Si les idées d'Allegro
n'eurent pas gain de cause, il ne subit cependant aucune intimidation et ne fut
point réduit au silence.
Nombre d'autres
chercheurs se sont écartés des thèses de l'équipe régnante. Barbara Thiering, de l'université de Sydney, en Australie, soutient
que le Maître de Justice, figure dominante des textes de Qoumrân,
est Jean-Baptiste et que Jésus est le Prêtre Impie. Pour J. L. Teicher, de l'université de Cambridge, Paul est le Prêtre
Impie. Otto Betz, de l'université de Tübingen,
suggère que Jean-Baptiste vécut à Qumrân. Norman Golb, de l'université de Chicago, soutient que la
bibliothèque de Qumrân provenait en réalité de
Jérusalem et représente les concepts du judaïsme prédominant.
Selon Lawrence Schiffman, de l'université de New York, les doctrines
fondamentales de la secte de Qumrân ne sont pas de
caractère essénien, elles sont sadducéennes.
Jose
O'Callaghan affirme que des fragments de l'évangile de Marc, ainsi que des
Actes des Apôtres et de l'Épître aux Romains de Paul, ont été trouvés parmi les
textes d'une des grottes de Qumrân.
Quelle est donc
cette voix indépendante qui défie l'autorité des représentants du Vatican en
avançant que des documents de cette époque du christianisme ont
été découverts à Qumrân ?
Celle
d'un jésuite espagnol ! Ces catholiques - tels North,
Fitzmyer et O'Callaghan - feraient bien de se
ressaisir s'ils veulent étouffer les idées non orthodoxes, en particulier
celles qui voient un lien entre les documents de Qumrân
et le Nouveau Testament.
Pour comble
d'avanie, O'Callaghan publie ses idées dans des revues catholiques comme Biblica et Civita cattolica. Personne ne peut refuser la parole à tous ces
chercheurs dissidents. Ils se voient peut-être refuser une tribune à des
assemblées privées contrôlées par l'équipe éditoriale.
Mais leurs idées
sont largement diffusées dans des publications parallèles.
En
effet, Baigent et Leigh
adoptent eux-mêmes les idées d'un chercheur indépendant, Robert Eisenman, qui s'oppose énergiquement à celles de l'équipe
éditoriale.
D'après
ce dernier- ainsi que Baigent et Leigh
-, le chef de Qumrân surnommé le Maître de Justice
est en réalité Jacques le Juste, mentionné dans le Nouveau Testament comme le
frère de Jésus.
Pour Eisenman, Jacques était le chef des Zélotes, secte juive
militante qui joua un rôle majeur dans la Première Grande Révolte Juive contre
Rome (66-70 apr. J.-C.), tragiquement terminée par l'incendie de Jérusalem et
la destruction du Temple. Les
adeptes de la communauté de Qumrân étaient des
Zélotes et non des Esséniens, soutient Eisenman.
En
tant que Zélotes, ils étaient les héritiers d'une longue lignée de juifs sadocides - fondée par Esdras, perpétuée par Judas Maccabée, Jean-Baptiste, Jésus et finalement Jacques, frère
de Jésus. Dans ce scénario, Paul était l'ennemi juré de Jacques. C'est Paul qui
fit de Jésus un Homme-Dieu. Paul est " le
Menteur" des textes de Qumrân, l'adversaire du
Maître de Justice. Paul, toujours d'après Eisenman,
vécut trois ans à Qumrân. Le second adversaire du
Maître de Justice, le Prêtre Impie, est - selon cette thèse - Ananie, le grand-prêtre de
Jérusalem.
Ananie s'arrangea pour faire mettre à mort Jacques, événement
relaté dans le Nouveau Testament où, toujours d'après Eisenman,
le nom d'Étienne a été substitué à celui de Jacques.
C'est alors, dit Eisenman, que la Judée se révolta. Ce fut le commencement
de la Première Grande Révolte juive contre Rome.
Les Romains
envoyèrent un corps expéditionnaire sous le commandement de Titus et Jérusalem
fut détruite. Paul l'emporta en créant sa secte chrétienne en terre païenne. L'histoire de Jacques, véritable chef de
la communauté des Juifs évangélisés, fut étouffée, jusqu'à ce que
l'interprétation des manuscrits de la mer Morte par Eisenman
la ressuscite.
A vrai dire, les
recherches d'Eisenman ont révélé la simplicité
fondamentale de ce qui semblait auparavant une situation d'une rebutante
complexité (sans omettre sa suggestion qu'en fait, Paul était peut-être un
agent secret de Rome). Comme le déclarent Baigent et Leigh vers la fin de leur livre de deux cent soixante-six
pages consacré en grande partie aux idées d'Eisenman
:
"Il serait
impossible, dans le cadre de notre propre ouvrage, de rendre adéquatement
justice au poids de preuves réunies par Eisenman".
Baigent et Leigh déclarent
qu'une "phalange croissante de partisans se rassemble autour de Robert Eisenman, et que des savants influents et éminents sont de
plus en plus nombreux à adopter sa cause". A ma connaissance, un seul
savant a exprimé par écrit son accord avec le scénario d'Eisenman.
Mais que ses
idées l'emportent ou non, là n'est pas la question. L'important, c'est qu'elles
soient libres de se frayer un chemin sur l'agora des idées. Elles ont été
présentées à ses collègues du monde érudit et au public. Le premier livre dans
lequel il expose ses arguments (Maccabees, Zadokites, Christians and Qumran) a été publié par les
prestigieuses éditions scientifiques E. J. Brill de
Leyde en 1983. Son deuxième ouvrage (James the Just in the Hahakkuk
Pesher) a été publié en 1985 par - attention,
êtes-vous assis ? comme disait mon grand-père - par
l'une des propres éditions du Vatican, Tipographia Gregoriana ! (Il fut plus tard révisé et édité par Brill.)
A l'instar des
pères North, Fitzmyer et
O'Callaghan, les éditions vaticanes n'ont apparemment pas reçu le mot d'ordre
sur ce qui était doctrine casher ou ne l'était pas. Sinon, pourquoi des
éditions vaticanes auraient-elles publié Eisenman ?
Bref, de nos jours, il est difficile d'étouffer les idées.
En outre,
l'équipe a certainement choisi un curieux principe pour faire valoir la pureté
doctrinale : une datation des rouleaux à une époque très ancienne. L'équipe
fait remonter les rouleaux à une période située environ entre 250 av. J.-C. et
68 apr. J.-C., année où, selon l'interprétation des témoignages archéologiques
donnée par de Vaux, les troupes romaines détruisirent la localité de Qumrân.
Cette datation
lointaine, d'après l'accusation portée contre les éditeurs de l'équipe,
dissocierait les manuscrits et le christianisme. Vraiment ?
Elle coïncide
pourtant avec la vie de Jésus sur terre. Si, par exemple, une naissance d'une vierge-mère se trouvait attestée dans un texte de Qumrân datant du Ier ou du IIe siècle av. J.-C. au lieu du
Ier s. ou IIe siècle apr. J.-C., cette différence aurait-elle une grande
importance en ce qui concerne son potentiel destructeur pour la doctrine
chrétienne ?
Ces réflexions
nous mènent à une autre perle de l'argumentation de Baigent
et Leigh. Ils présument que quelque chose, dans ces mystérieux manuscrits
anciens, pourrait gravement saper la doctrine ou la foi chrétienne. Quoi donc ?
Il est facile de l'imaginer.
Supposons qu'un
texte rapporte une naissance d'une vierge qui aurait enfanté. Et alors ? Nous
savons déjà que des récits de naissance d'une vierge-mère
circulaient à cette époque. La Parthénos de la
mythologie grecque, par exemple, comme l'Arthémis des
Ephésiens était une déesse mère, et le christianisme s'est inspiré de toutes
sortes de mythe répandus dans tout l'empire romain.
Pourtant,
la foi juive ou la foi chrétienne n'ont pas plus été sapées par les
affirmations d'archéologues annonçant qu'aucune ville de Jéricho n'existait à l'époque
où Josué est censé en avoir fait sept fois le tour avec son armée avant que ses
murs ne s'effondrent.
Allegro écrivit
un jour à Strugnell : " Le temps que j'achève
[mes travaux], il ne vous restera plus aucune Église à laquelle adhérer."
De toute évidence, Allegro sous-estimait les ressorts secrets de l'Église pour
subjuguer les foules. Baigent et Leigh
suggèrent que les rouleaux pourraient contenir "quelque chose de
compromettant, quelque chose de menaçant pour les traditions établies,
peut-être même qu'ils les réfute ".
Ils dépeignent de
Vaux et ses collègues comme [des hommes] craignant qu'une révélation dans les
rouleaux " ne soit susceptible de démolir l'édifice tout entier de
l'enseignement et de la foi du christianisme ". Ceci parce que, selon les
deux auteurs, "on a cru jusqu'à présent que les enseignements de Jésus
étaient uniques". Eh bien, non. L'érudition moderne a mis en lumière les
correspondances existant entre l'enseignement de Jésus et d'autres mouvements
sociaux et idéologiques de cette époque. Ainsi, sa symbiose particulière avec
les idées esseniennes était réelle.
Tous
les savants s'accordent pour dire que les documents de Qumrân
sont d'une extrême importance pour notre intelligence du christianisme
primitif.
Ces textes ont
apporté une nouvelle dimension à notre compréhension de ses origines : des
dizaines de livres et des centaines d'articles ont été écrits sur le lien
possible entre les textes de Qumrân et le Nouveau
Testament. L'une des conclusions majeures de cette vaste recherche est que la
doctrine primitive du christianisme et ses systèmes de croyance n'étaient pas
d'une source unique.
Au chapitre 14,
de quelques décennies consacrées à étudier l'incidence des textes de Qumran sur notre compréhention du
christianisme primitif, James VanderKam tire deux
conclusions principales :
1) L'Eglise
primitive, dans une bien plus large mesure qu'on ne le supposait auparavant, a
poussé dans la glèbe juive, en particulier, chez les Esseniens.
2) Parmi les croyances et pratiques de l'Eglise primitive,
un grand nombre étaient exclusivement esseniennes.
2) Aucune résonance générale dans les milieux
catholiques, rien n'a filtré de ces conclusions ou à la publication de telles
preuves! Et pourtant, seraient-ce là les conclusions destructrices que la
conspiration du Vatican est censée empêcher de se dégager - ou du moins de
parvenir au grand jour ?
Baigent et Leigh citent un passage d'un texte de Qumrân
encore inédit mentionnant un personnage qui sera appelé " Fils du
Très-Haut " et " Fils de Dieu ", des noms que l'on retrouve,
attribués à Jésus, aux versets 1,32-35 de Luc. C'est une "découverte
extraordinaire", disent-ils.
3) Mais les
Religieux contrôlent les informations et récupèrent tout à leur profit.
Paru récemment, un article révèle qu'un
texte de Qumrân contenait des béatitudes préfigurant
à bien des égards les béatitudes du Sermon sur la montagne. L'auteur? Le père
Émile Puech, un Jésuite de l'École biblique chargé de la traduction des
manuscrits.
4) Baigent et Leigh accusent
l'équipe d'éditeurs de "dissimuler laborieusement"
5) les liens qui
existent entre des textes de Qumrân
et des événements du Nouveau Testament. Or, on sait bien que les implications
des textes de Qumrân pour les études
néotestamentaires ont fait l'objet de vastes débats aboutissant à ce résultat :
certains concepts et
certaines doctrines auparavant considérés comme exclusivement chrétiens ne sont
plus aujourd'hui compris comme tels.
6) Toutefois, une
énigme demeure : pourquoi les chercheurs qui détiennent le contrôle des textes
ont-ils insisté pour en tenir secrets un si grand nombre ? La réponse que Baigent et Leigh voudraient nous
faire deviner est évidente. L'explication est, fort prosaïque: c'est pour un mobile secret qui anime
toute la Curie Romaine: le pouvoir religieux.
7) Ils étaient les
membres soumis et obéissants de ce qu'on appelle l'Eglise. Ils avaient autorité
sur l'ensemble d'une discipline. C'étaient eux les spécialistes. C'étaient
leurs noms que l'histoire transmettrait à la postérité comme ceux des auteurs
des éditions princeps. C'étaient eux qui pouvaient conquérir des étudiants en
doctorat en leur faisant miroiter un manuscrit de la mer Morte inédit à publier
pour leur thèse. Plus récemment, un autre facteur a joué : la pure opiniâtreté.
8) Les éditeurs des
manuscrits ne répondent à personne. Ils ne connaissent d'autres lois que les
leurs. Ils s'offusquent des pressions que leur ont fait subir des étrangers -
en outre, non simplement des savants extérieurs, mais des amateurs aux
connaissances sommaires, tels le directeur de publication de la Biblical Archaeology Review et des hommes de la grande presse. Réaction de ces
éditeurs : ils se braquent. Et disent qu'on ne leur marchera pas sur les pieds.
9) Voilà les motifs
qui se cachent derrière le refus d'accorder le libre accès aux rouleaux non
publiés, en plus d'une conspiration ourdie par le Vatican, et l'attitude auprès
des Israéliens le montre bien. Tout en ayant dernièrement affirmé leur autorité
sur les rouleaux, ils acquiescent au monopole exercé par les éditeurs de
l'équipe - à condition toutefois que cette dernière soit élargie, ce qui fut
fait, afin d'inclure des Israéliens.
10) Assurément, les Israéliens peuvent faire partie
d'une conspiration dirigée par le Vatican car d'éminents savants israéliens
participent au consensus officiel. Baigent et Leigh expliquent comment l'idée de se joindre à une
conspiration dont le but est de sauvegarder la pureté de la doctrine chrétienne
a pu séduire les Israéliens.
11)
ENFIN, la publication des manuscrits est considérée comme
"UN TRÈS GRAND MOMENT"(Le Monde).
"Pour les
philologues et les historiens qui travaillent sur ces manuscrits, c'est
l'achèvement d'une très grande entreprise et un très grand moment. Avec cette
collection maintenant disponible, le temps des synthèses est enfin
arrivé", souligne Francis Schmidt, directeur d'études à l'Ecole pratique
des hautes études et spécialiste de l'histoire du judaïsme à l'époque hellénistique et romaine
"Nous
entrons désormais dans une période nouvelle d'exploitation et de comparaison
des documents, qui demandera sans doute plusieurs décennies de travail",
précise en connaisseur Marc Philonenko, membre de
l'Institut et doyen honoraire de la faculté de théologie protestante de
Strasbourg (4 )
< http://webduweb.free.fr/controve.htm>.
(1) L'évenement
récent range les extraits (chapitre 22) du livre L'AVENTURE DES MANUSCRITS DE
LA MER MORTE publié en 1996 sous la direction de Hershel
Shanks dans l'arrièe-plan
historique. Mais un livre récent est à signaler : Les Manuscrits de la mer
Morte, par Michael Wise, Martin Abegg et Edward Cook,
l'ouvrage traduit de l'anglais est publié chez Plon - 29 euros (190,22 francs).
retour en haut <http://webduweb.free.fr/controve.htm>
2. "le
scandale scientifique par exellence du XXe
siècle", d'après les termes du professeur Gesa Vermes, qui publia en 1977 The Dead Sea Scolls
: Qumran in Perspective, se justifie car, trente ans
après leur découverte, la publication stagnait lamentablement. C'était
impossible pour des chercheurs indépendants, d'obtenir la moindre information
ou document pour étayer leurs propres prospections... retour au texte <http://webduweb.free.fr/controve.htm>
3. John Allegro "The Sacred Mushroom and the
Cross" - 1971,(retour au texte <http://webduweb.free.fr/controve.htm>)
4. M. Philonenko avait en effet publié chez Gallimard (La
Pléiade), en collaboration avec André Dupont-Sommer, la première traduction en
français d'une partie des manuscrits de la mer Morte sous le titre : La Bible - écrits
intertestamentaires.
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